samedi 12 août 2017

"Le moment est venu de dire ce que j'ai vu" de Philipe de Villiers

Cela fait maintenant quelques mois que je n'avais pas repris le clavier pour alimenter ce blog. Nul souci d'inspiration toutefois tant l'actualité est riche ces derniers temps, en particulier en matière politique depuis l'élection d'Emmanuel Macron et de sa majorité. Je dois néanmoins reconnaître avoir être largement occupé ces derniers mois que ce soit sur le terrain avec la campagne présidentielle ou pour des raisons plus personnelles.

Mon dernier article en date concernait le livre de Nicolas Dupont-Aignan, "mon agenda de président". Je recommence à écrire aujourd'hui avec un ouvrage d'un tout autre genre écrit par Philippe de Villiers (P2V), "le moment est venu de dire ce que j'ai vu".
Ce livre ayant beaucoup fait parler de lui à sa sortie, j'ai donc profité de quelques jours de vacances pour m'y plonger. Et si certains ont été plus qu'élogieux, je n'ai pour ma part pas été subjugué. En tout cas pas autant que les critiques auraient pu le laisser penser. Alors que certains chapitres m'ont semblé quelque peu longs, d'autres m'ont au contraire fortement intéressé et je n'ai que pu constater que certains passages évoquant le passé ont un formidable écho aujourd'hui.
Comme chaque fois, je ne reviendrais que sur les moments qui ont particulièrement retenu mon attention.

Tout à la fois déroutant et symptomatique, le premier chapitre s'ouvre sur une anecdote. Ou plus exactement sur le récit de la première télé de l'auteur en mai 1992 sur le plateau de "l'heure de vérité". Philippe De Villiers évoque alors son altercation avec le journaliste Ivan Levaï qui le renvoie dès le début de l'interview au pétainisme. Plus que cet échange particulier entre les deux hommes, c'est le comportement du journaliste qui m'interpelle et qui renvoie aux agissements identiques que peuvent avoir les médias aujourd'hui. En 25 ans, on ne peut que constater, malheureusement, que les choses n'ont guère évolué puisque certains journalistes ou personnalités politiques continuent de jeter l'anathème sur des idées cataloguées à l'extrême droite. Quoi de plus facile pour éviter le débat que d'assimiler des opinions ou des thématiques au Front National ? En quoi serait-ce mal de réfléchir sur le patriotisme, le protectionnisme ou l'immigration ? C'est justement parce que ces sujets ont été abandonnés par les partis dits de gouvernement et sont devenus tabous que les idées les plus nauséabondes ont pu se développer. Chacun doit au contraire s'emparer de ces questions afin de faire vivre la controverse et de ne surtout pas les abandonner à des individus qui en feraient mauvais usage.

Thématique totalement différente maintenant mais qui là encore est on ne peut plus d'actualité. Il s'agit d'un passage sur l'agriculture où l'on nous raconte une divergence de point de vue entre un père et son fils. Une revisite de la querelle des Anciens et des Modernes si je puis dire où l'on voit s'affronter deux conceptions assez opposées en matière agricole. Tandis que le fils est adepte d'une agriculture intensive à base d'engrais, d'antibiotiques ou de semences optimisées, bref partisan de l'agrochimie, le père défend quant à lui une agriculture plus traditionnelle, respectueuse de la terre et des saisons, du temps long. Cette opposition, cet affrontement entre deux visions de la ruralité existe bien évidemment toujours à l'heure actuelle. Bien que l'on constate depuis quelques années une volonté des consommateurs d'un retour aux sources, d'une alimentation plus saine et de meilleure qualité avec une forte croissance du bio et des circuits courts, la logique de course à la rentabilité avec des exploitations toujours plus grandes comme la ferme des 1 000 vaches continue. Et ce n'est pas l'extrême dépendance des agriculteurs aux subventions européennes versées dans le cadre de la PAC (Politique Agricole Commune) qui va améliorer la situation. Cette sujétion du monde agricole est au contraire un frein au développement d'une agriculture vivrière respectueuse de l'environnement et des paysages. Dès lors, les choses ne pourront vraiment changer qu'à la condition que nos paysans puissent s'affranchir de ces perfusions d'argent public en vivant de leur travail. Charge à nos dirigeants de mettre en cohérence leurs actes avec leurs paroles mais aussi aux consomma(c)teurs qui ont un grand pouvoir d'influence, notamment vis-à-vis de la grande distribution.

En matière agricole, comme dans bien d’autres domaines d’ailleurs, les lobbys possèdent une influence considérable. C’est ce que nous expose P2V dans un chapitre consacré à son expérience au parlement européen. De Bruxelles à Strasbourg, les lobbys œuvrent discrètement en coulisses afin de défendre les intérêts de leurs clients (groupes pharmaceutiques, industrie pétrolière …). Au prétexte d’apporter une expertise technique sur des sujets parfois complexes, ces groupes de pression n’hésitent pas à mélanger les genres en allant jusqu’à fournir aux parlementaires des propositions de loi ou des amendements déjà rédigés. S’il s’agit là d’une opportunité pour certains élus qui peuvent ainsi donner l’illusion d’un travail assidu, cela constitue surtout une aubaine pour les lobbyistes qui peuvent alors imposer leur credo à la collectivité. Un marché gagnant-gagnant ou perdant-perdant selon les points de vue. La loi de moralisation de la vie publique devrait alors être l’occasion d’ouvrir un important chantier de régulation en ce domaine.

Ceux qui connaissent quelque peu Philippe De Villiers savent que l’europe est un de ces grands chevaux de bataille. Il n’est donc pas illogique que ses combats européens occupent une part importante de son livre. Un chapitre porte ainsi sur la campagne autour du traité de Maastricht adopté en 1992. "L’Histoire ne se répète pas, elle bégaie" disait Karl Marx. Cet adage semble bien se vérifier lorsqu’il s’agit de construction européenne. Que ce soit en 1992 avec Maastricht, en 2005 avec le TCE (Traité Constitutionnel Européen) ou en 2007 avec le traité de Lisbonne, chacun aura pu se rendre compte que le traditionnel clivage gauche/droite s’est largement effacé devant les questions de souveraineté nationale. En effet, PS et UMP se sont à plusieurs reprises donnés la main pour défendre ces traités supranationaux. A l’inverse, certains ténors de ces mêmes partis ont combattu les bonds en avant fédéralistes proposés par Bruxelles. Quel autre sujet d’ailleurs aurait pu rassembler de la sorte Mitterrand, Hollande, Lang, Juppé, Chirac d’une part et De Villiers, Pasqua, Séguin, Chevènement d’autre part ?

Fervent défenseur de la souveraineté de notre pays, Phillipe De Villiers mena une liste dissidente de droite aux élections européennes de 1994 (à cette époque le scrutin avait lieu dans une circonscription unique à l’échelle du pays). Arrivé en troisième position derrière la liste du RPR (ex-UMP) et du PS, le fondateur du Puy du fou sort renforcé de cette échéance électorale et décide de se présenter à la présidentielle de 1995. Il ne réussit toutefois pas à renouveler l’exploit de l’année précédente et obtient cette fois-ci un score de 4,74 %, soit moins que la barre fatidique des 5 % permettant d’obtenir le remboursement de sa campagne. En conséquence, le candidat défait lance un appel à la générosité des Français au 20h de TF1.
Ici encore nous pouvons voir que les problématiques liées au financement de la vie politique (prêt des banques, financement occultes …) perdurent. Si certains vantent notre système démocratique, il n’en reste pas moins qu’il existe des inégalités criantes entre candidats, notamment en termes de moyen et d’accès aux médias. La campagne présidentielle de 2017 en a ainsi été le parfait exemple avec de considérables écarts de temps de parole, écarts d’autant plus accentués par la réduction de la période d’égalité obligatoire au profit de l’équité. Mais plus que la présidentielle, c’est en réalité toutes les élections qui sont concernées par ce phénomène. En dehors des grands partis, point de salut pourrait-on dire tant ces écuries fournissent à leurs partisans une logistique de premier ordre ainsi que des subsides non négligeables.

Philippe De Villiers, comme tant d’autres avant et après lui, ont justement connu ce manque de soutiens, expliquant, au moins en partie, des scores jugés décevants. Ou en tous cas pas à la hauteur des espérances. Si les campagnes sont souvent rudes et éprouvantes, c’est peut-être l’après résultats qui est parfois le plus compliqué. Cela me semble formidablement résumé dans le paragraphe suivant (p 216) : "Les opportunistes arrivés en masse vont repartir vers leurs pénates. Ainsi va la vie politique, elle est cruelle. On croit que les gens vous aiment pour ce que vous êtes. En réalité ce qu'ils aiment en vous, la plupart du temps, c'est la part de succès qui peut leur revenir".

Par ces mots, Philippe De Villiers résume parfaitement la nature humaine et dit finalement sans ambages ce qu’il a vu durant sa carrière politique.

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