Cela fait maintenant
quelques mois que je n'avais pas repris le clavier pour alimenter ce blog. Nul
souci d'inspiration toutefois tant l'actualité est riche ces derniers temps, en
particulier en matière politique depuis l'élection d'Emmanuel Macron et de sa
majorité. Je dois néanmoins reconnaître avoir être largement occupé ces
derniers mois que ce soit sur le terrain avec la campagne présidentielle ou
pour des raisons plus personnelles.
Mon dernier article en
date concernait le livre de Nicolas Dupont-Aignan, "mon agenda de président". Je recommence à écrire aujourd'hui avec un ouvrage d'un tout
autre genre écrit par Philippe de Villiers (P2V), "le moment est venu de
dire ce que j'ai vu".
Ce livre ayant beaucoup
fait parler de lui à sa sortie, j'ai donc profité de quelques jours de vacances
pour m'y plonger. Et si certains ont été plus qu'élogieux, je n'ai pour ma part
pas été subjugué. En tout cas pas autant que les critiques auraient pu le
laisser penser. Alors que certains chapitres m'ont semblé quelque peu longs,
d'autres m'ont au contraire fortement intéressé et je n'ai que pu constater que
certains passages évoquant le passé ont un formidable écho aujourd'hui.
Comme chaque fois, je
ne reviendrais que sur les moments qui ont particulièrement retenu mon attention.
Tout à la fois
déroutant et symptomatique, le premier chapitre s'ouvre sur une anecdote. Ou
plus exactement sur le récit de la première télé de l'auteur en mai 1992 sur le
plateau de "l'heure de vérité". Philippe De Villiers évoque alors son
altercation avec le journaliste Ivan Levaï qui le renvoie dès le début de
l'interview au pétainisme. Plus que cet échange particulier entre les deux
hommes, c'est le comportement du journaliste qui m'interpelle et qui renvoie
aux agissements identiques que peuvent avoir les médias aujourd'hui. En 25 ans,
on ne peut que constater, malheureusement, que les choses n'ont guère évolué
puisque certains journalistes ou personnalités politiques continuent de jeter
l'anathème sur des idées cataloguées à l'extrême droite. Quoi de plus facile
pour éviter le débat que d'assimiler des opinions ou des thématiques au Front
National ? En quoi serait-ce mal de réfléchir sur le patriotisme, le
protectionnisme ou l'immigration ? C'est justement parce que ces sujets ont été
abandonnés par les partis dits de gouvernement et sont devenus tabous que les
idées les plus nauséabondes ont pu se développer. Chacun doit au contraire
s'emparer de ces questions afin de faire vivre la controverse et de ne surtout
pas les abandonner à des individus qui en feraient mauvais usage.
Thématique totalement
différente maintenant mais qui là encore est on ne peut plus d'actualité. Il
s'agit d'un passage sur l'agriculture où l'on nous raconte une divergence de
point de vue entre un père et son fils. Une revisite de la querelle des Anciens
et des Modernes si je puis dire où l'on voit s'affronter deux conceptions assez
opposées en matière agricole. Tandis que le fils est adepte d'une agriculture
intensive à base d'engrais, d'antibiotiques ou de semences optimisées, bref
partisan de l'agrochimie, le père défend quant à lui une agriculture plus
traditionnelle, respectueuse de la terre et des saisons, du temps long. Cette
opposition, cet affrontement entre deux visions de la ruralité existe bien
évidemment toujours à l'heure actuelle. Bien que l'on constate depuis quelques
années une volonté des consommateurs d'un retour aux sources, d'une
alimentation plus saine et de meilleure qualité avec une forte croissance du
bio et des circuits courts, la logique de course à la rentabilité avec des
exploitations toujours plus grandes comme la ferme des 1 000 vaches continue.
Et ce n'est pas l'extrême dépendance des agriculteurs aux subventions
européennes versées dans le cadre de la PAC (Politique Agricole Commune) qui va
améliorer la situation. Cette sujétion du monde agricole est au contraire un
frein au développement d'une agriculture vivrière respectueuse de
l'environnement et des paysages. Dès lors, les choses ne pourront vraiment
changer qu'à la condition que nos paysans puissent s'affranchir de ces
perfusions d'argent public en vivant de leur travail. Charge à nos dirigeants
de mettre en cohérence leurs actes avec leurs paroles mais aussi aux
consomma(c)teurs qui ont un grand pouvoir d'influence, notamment vis-à-vis de
la grande distribution.
En matière agricole,
comme dans bien d’autres domaines d’ailleurs, les lobbys possèdent une
influence considérable. C’est ce que nous expose P2V dans un chapitre consacré
à son expérience au parlement européen. De Bruxelles à Strasbourg, les lobbys œuvrent
discrètement en coulisses afin de défendre les intérêts de leurs clients
(groupes pharmaceutiques, industrie pétrolière …). Au prétexte d’apporter une
expertise technique sur des sujets parfois complexes, ces groupes de
pression n’hésitent pas à mélanger les genres en allant jusqu’à fournir aux
parlementaires des propositions de loi ou des amendements déjà rédigés. S’il s’agit
là d’une opportunité pour certains élus qui peuvent ainsi donner l’illusion d’un
travail assidu, cela constitue surtout une aubaine pour les lobbyistes qui peuvent
alors imposer leur credo à la collectivité. Un marché gagnant-gagnant ou
perdant-perdant selon les points de vue. La loi de moralisation de la vie
publique devrait alors être l’occasion d’ouvrir un important chantier de
régulation en ce domaine.
Ceux qui connaissent quelque
peu Philippe De Villiers savent que l’europe est un de ces grands chevaux de
bataille. Il n’est donc pas illogique que ses combats européens occupent une
part importante de son livre. Un chapitre porte ainsi sur la campagne autour du
traité de Maastricht adopté en 1992. "L’Histoire ne se répète pas, elle
bégaie" disait Karl Marx. Cet adage semble bien se vérifier lorsqu’il s’agit
de construction européenne. Que ce soit en 1992 avec Maastricht, en 2005 avec le
TCE (Traité Constitutionnel Européen) ou en 2007 avec le traité de Lisbonne,
chacun aura pu se rendre compte que le traditionnel clivage gauche/droite s’est
largement effacé devant les questions de souveraineté nationale. En effet, PS
et UMP se sont à plusieurs reprises donnés la main pour défendre ces traités
supranationaux. A l’inverse, certains ténors de ces mêmes partis ont combattu les
bonds en avant fédéralistes proposés par Bruxelles. Quel autre sujet d’ailleurs
aurait pu rassembler de la sorte Mitterrand, Hollande, Lang, Juppé, Chirac d’une
part et De Villiers, Pasqua, Séguin, Chevènement d’autre part ?
Fervent défenseur de la
souveraineté de notre pays, Phillipe De Villiers mena une liste dissidente de
droite aux élections européennes de 1994 (à cette époque le scrutin avait lieu
dans une circonscription unique à l’échelle du pays). Arrivé en troisième
position derrière la liste du RPR (ex-UMP) et du PS, le fondateur du Puy du fou
sort renforcé de cette échéance électorale et décide de se présenter à la
présidentielle de 1995. Il ne réussit toutefois pas à renouveler l’exploit de l’année
précédente et obtient cette fois-ci un score de 4,74 %, soit moins que la barre
fatidique des 5 % permettant d’obtenir le remboursement de sa campagne. En
conséquence, le candidat défait lance un appel à la générosité des Français au
20h de TF1.
Ici encore nous pouvons
voir que les problématiques liées au financement de la vie politique (prêt des
banques, financement occultes …) perdurent. Si certains vantent notre système
démocratique, il n’en reste pas moins qu’il existe des inégalités criantes
entre candidats, notamment en termes de moyen et d’accès aux médias. La
campagne présidentielle de 2017 en a ainsi été le parfait exemple avec de
considérables écarts de temps de parole, écarts d’autant plus accentués par la
réduction de la période d’égalité obligatoire au profit de l’équité. Mais plus
que la présidentielle, c’est en réalité toutes les élections qui sont
concernées par ce phénomène. En dehors des grands partis, point de salut
pourrait-on dire tant ces écuries fournissent à leurs partisans une logistique
de premier ordre ainsi que des subsides non négligeables.
Philippe De Villiers,
comme tant d’autres avant et après lui, ont justement connu ce manque de soutiens,
expliquant, au moins en partie, des scores jugés décevants. Ou en tous cas pas
à la hauteur des espérances. Si les campagnes sont souvent rudes et éprouvantes,
c’est peut-être l’après résultats qui est parfois le plus compliqué. Cela me
semble formidablement résumé dans le paragraphe suivant (p 216) : "Les opportunistes arrivés en masse
vont repartir vers leurs pénates. Ainsi va la vie politique, elle est cruelle.
On croit que les gens vous aiment pour ce que vous êtes. En réalité ce qu'ils
aiment en vous, la plupart du temps, c'est la part de succès qui peut leur
revenir".
Par ces mots, Philippe
De Villiers résume parfaitement la nature humaine et dit finalement sans
ambages ce qu’il a vu durant sa carrière politique.
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